Léon Trotsky : Objections et Réponses : la Milice du Peuple

[Léon Trotsky : Le Mouvement Communiste en France. (1919-1939) Paris 1967, p. 476-484]

Pas de pacifisme ouvrier.

Pour pouvoir lutter, il faut conserver et renforcer les instruments et les moyens de lutte : les organisations, la presse, les réunions, etc. Tout cela, le fascisme le menace directement et immédiatement. Il est trop faible encore pour se lancer directement dans la lutte pour le pouvoir, mais il est déjà suffisamment fort pour tenter d’abattre pan après pan les organisations ouvrières, pour tremper ses bandes dans ses attaques, semer dans les rangs des ouvriers l’accablement et le manque de confiance dans leurs propres forces. De plus, le fascisme trouve des auxiliaires inconscients en la personne de tous ceux qui disent que la « lutte physique » est inadmissible et sans espoir, et réclament à Doumergue le désarmement de ses gardes fascistes.

Formez vos détachements de combat.

Le Populaire et surtout l’Humanité écrivent tous les jours : « le Front unique c’est une barrière contre les fascistes », « Le Front unique ne permettra pas », « Les fascistes n’oseront pas ». Ce sont des phrases. Il faut dire carrément aux ouvriers socialistes et communistes : ne permettez pas à des journalistes et à des faiseurs de discours superficiels et irresponsables de vous bercer de phrases. Il s’agit de nos têtes et de l’avenir du socialisme. Ce n’est pas nous qui nions l’importance du Front unique. Nous l’exigions alors que les chefs des deux partis étaient contre lui. Le Front unique ouvre d’énormes possibilités. Mais rien de plus. En lui-même, le Front unique ne décide de rien. Seule la lutte des masses décide. Le Front unique se révélera une grande chose lorsque les détachements communistes viendront en aide aux socialistes et inversement, en cas d’une attaque contre le Populaire ou l’Humanité. Mais, pour cela, il faut d’abord que les détachements de combat prolétariens existent, s’éduquent, s’exercent, s’arment. Et s’il n’y a pas d’organisation de défense, c’est-à-dire de milice du peuple, le Populaire et l’Humanité pourront écrire autant d’articles qu’ils le voudront sur la toute-puissance du Front unique, les deux journaux se trouveront sans défense devant la première attaque bien préparée des fascistes. Nous nous proposons de faire l’examen critique des « arguments » et des « théories » des adversaires de la milice du peuple, très nombreux et très influents dans les deux partis ouvriers.

Il nous faut l’auto-défense de masse, et non la milice, nous dit-on souvent. Mais qu’est-ce que cette auto-défense de masse ? Sans organisation de combat ? Sans cadres spécialisés ? Sans armes ? Remettre aux masses non organisées, non équipées, non préparées, laissées à elles-mêmes, la défense contre le fascisme, ce serait jouer un rôle bien plus vil encore que celui de Ponce Pilate ! Nier le rôle de la milice, c’est nier le rôle de l’avant-garde. Alors, pourquoi un parti ? Sans le soutien des masses, la milice n’est rien. Mais, sans détachements de combat organisés, la masse la plus héroïque sera écrasée en ordre dispersé par les bandes fascistes. Opposer la milice à l’auto-défense est absurde. La milice est l’organe de l’auto-défense.

Sur le caractère « provocateur » de la milice.

« Appeler à l’organisation de la milice, disent certains de ses adversaires, peu sérieux certes et peu honnêtes, c’est de la provocation. » Cela n’est pas un argument, c’est une insulte. Si la nécessité de défendre les organisations ouvrières découle de toute la situation, comment peut-on donc ne pas appeler à la formation de milices ? Peut-être veut-on dire que la création de milices « provoque » les attaques des fascistes et la répression de la part du gouvernement ? Alors, c’est un argument absolument réactionnaire. Les tenants du libéralisme ont toujours dit aux ouvriers que, par leur lutte de classe, ils « provoquaient » la réaction…

Les réformistes répétèrent cette accusation contre les marxistes, les mencheviks contre les bolcheviks. Ces accusations se ramènent, en fin de compte, à cette profonde pensée que, si les opprimés ne bougeaient pas, les oppresseurs ne seraient pas contraints de les battre. C’est la philosophie de Tolstoï et de Gandhi, mais ce n’est en rien celle de Marx et de Lénine. Si l’Humanité veut, elle aussi, développer la doctrine de la « non-résistance au mal par la violence », il lui faut prendre pour symbole, non plus la faucille et le marteau, emblèmes de la révolution d’Octobre, mais la pieuse chèvre qui nourrit Gandhi de son lait.

Les ouvriers doivent s’armer avant d’être battus.

« Mais l’armement des ouvriers n’est opportun que dans une situation révolutionnaire, dont il est clair qu’elle n’existe pas encore. » Ce profond argument signifie que les ouvriers doivent se laisser battre jusqu’à ce que la situation devienne révolutionnaire. Ceux-là mêmes qui prêchaient hier la « troisième période » ne veulent pas voir ce qui s’est pourtant produit sous leurs yeux. La question de l’armement elle-même n’a surgi dans la pratique que parce que la situation « normale », « pacifique », « démocratique », a fait place à une situation agitée, critique et instable, qui peut se changer aussi bien en situation révolutionnaire qu’en situation contre-révolutionnaire. Cette alternative dépend avant tout de la réponse à cette question : les ouvriers avancés se laisseront-ils battre impunément les uns après les autres, ou bien répondront-ils à chaque coup par deux coups, élevant le courage des opprimés et les unissant autour d’eux ? Une situation révolutionnaire ne tombe pas du ciel. Elle se forme avec la participation active de la classe révolutionnaire et de son parti.

La milice, instrument d’une politique juste.

Les staliniens français allèguent maintenant que la milice n’a pas sauvé le prolétariat allemand de la défaite. Hier encore ils niaient la défaite en Allemagne et affirmaient que la politique des staliniens allemands avait été juste du début à la fin. Aujourd’hui, ils voient la cause de tout le mal dans la milice ouvrière allemande, le Rot Front. Ainsi, d’une faute, ils tombent dans une autre, opposée et non moins monstrueuse. La milice en elle-même ne résout pas la question. Il faut une politique juste. Et la politique des staliniens en Allemagne, dénonciation du « social-fascisme » comme I’ « ennemi principal », organisation de la scission des syndicats, flirts avec les nationalistes, putschisme, conduisit fatalement à l’isolement de l’avant-garde prolétarienne et à son effondrement, Avec une stratégie qui n’était bonne à rien, aucune milice ne pouvait sauver la situation.

Le organisation de la milice évitera seule le terrorisme et l’anarchisme.

C’est une sottise de dire que par elle-même l’organisation de la milice conduit sur la voie des aventures, provoque l’ennemi, remplace la lutte politique par la lutte physique, etc. Toutes ces phrases ne sont que couardise politique. La milice, en tant qu’organisation solide de l’avant-garde, est en fait le moyen le plus sûr contre les aventures, contre le terrorisme individuel, contre les sanglantes explosions spontanées. La milice est en même temps le seul moyen sérieux de réduire au minimum la guerre civile imposée au prolétariat par le fascisme. Que les ouvriers, malgré l’absence de « situation révolutionnaire » corrigent seulement quelques fois à leur gré les « fils à papa » patriotes et le recrutement de nouvelles bandes fascistes, deviendra du coup incomparablement plus difficile.

Contre le fatalisme des bureaucrates.

Mais ici les stratèges, empêtrés dans leur propre raisonnement, sortent contre nous des arguments plus stupéfiants encore. Nous lisons textuellement : « Si nous répondons aux coups de revolver des bandes fascistes par d’autres coups de revolver, écrit l’Humanité du 23 octobre, nous perdons de vue que le fascisme est un produit du régime capitaliste et qu’en luttant contre le fascisme c’est tout le système que nous visons. » Il est difficile d’accumuler en quelques lignes plus de confusion et plus d’erreurs. Impossible de se défendre contre les fascistes, car ils représentent « un produit capitaliste » ! Cela veut dire qu’il faut renoncer à toute lutte, car tous les maux sociaux contemporains représentent des « produits du système capitaliste », Quand les fascistes tuent un révolutionnaire ou incendient le siège d’un local prolétarien, les ouvriers doivent constater philosophiquement : « Ah, les meurtres et les incendies sont bien les produits du système capitaliste », et rentrer chez eux, la conscience tranquille. A la théorie militante de Marx est substituée une prostration fataliste, au seul bénéfice de l’ennemi de classe. La ruine de la petite bourgeoisie est, bien entendu, le produit du capitalisme. La croissance des bandes fascistes est, à son tour, le produit de la ruine de la petite bourgeoisie. Mais, d’un autre côté, l’aggravation de la misère et de la révolte du prolétariat sont aussi les produits du capitalisme, et la milice, à son tour, est le produit de l’exacerbation de la lutte des classes. Pourquoi donc, pour les « marxistes » de l’Humanité, les bandes fascistes sont-elles le produit légitime du capitalisme, et la milice du peuple le produit illégitime des… trotskystes ? Décidément, il est impossible d’y rien comprendre.

Il faut, nous dit-on, viser tout le « système ». Comment ? Pardessus la tête des êtres humains ? Pourtant les fascistes, dans les différents pays, ont commencé par des coups de revolver et ont fini par la destruction de tout le « système » des organisations ouvrières. Comment donc arrêter l’offensive armée de l’ennemi sinon par une défense armée, pour passer ensuite à l’offensive à notre tour ?

La milice encadre les masses sans s’en isoler.

Certes, l’Humanité admet maintenant en paroles la défense, mais seulement comme « auto-défense de masse » : « La milice est nuisible, parce que, voyez-vous, elle coupe des masses les détachements de combat. » Pourquoi donc alors existe-t-il chez les fascistes des détachements armés indépendants qui ne se coupent pas des masses réactionnaires mais, au contraire, par leurs coups bien organisés, élèvent le courage de la masse et renforcent son audace ? La masse prolétarienne serait-elle inférieure par ses qualités de combativité à la classe ouvrière déclassée ?

Pas de groupes d’auto-défense sans armes.

Empêtrée jusqu’au cou, voilà que l’Humanité commence à hésiter : voilà que I’auto-défense de masse a besoin de créer ses « groupes d’auto-défense ». A la place de la milice répudiée, on met des groupes spéciaux, des détachements. Il semble à première vue que la différence ne soit que dans le nom. Pourtant même celui que propose l’Humanité ne vaut rien. On peut en effet parler d’ « auto-défense de masse », mais il est impossible de parler de « groupes d’auto-défense », car les groupes ont pour but non de se défendre eux-mêmes, mais de défendre les organisations ouvrières. Cependant, ce n’est bien entendu pas de nom qu’il s’agit. Les « groupes d’auto-défense » doivent, de l’avis de l’Humanité, renoncer à l’emploi des armes afin de ne pas tomber dans le « putschisme ». Ces sages traitent la classe ouvrière comme un enfant à qui il ne faut pas laisser un rasoir entre les mains. D’ailleurs, les rasoirs, comme on sait, sont le monopole des camelots du roi qui, légitimes « produits du capitalisme », ont renversé, avec eux, le « système » de la démocratie. Mais alors, comment les « groupes d’auto-défense » vont-ils pouvoir se défendre contre les revolvers fascistes ? « Idéologiquement », bien entendu. Autrement dit : il ne leur reste qu’à se coucher. N’ayant pas ce qu’il leur faut entre les mains, ils n’ont plus qu’à chercher l’« autodéfense dans leurs pieds ». Et les fascistes, pendant ce temps, saccageront impunément les organisations ouvrières. Mais si le prolétariat subit une terrible défaite, en revanche, il ne se rendra pas coupable de « putschisme » ! Du dégoût et du mépris, voilà ce que provoque ce bavardage de poltrons sous le drapeau du « bolchevisme »,

Du putschisme de la troisième période à l’opportunisme actuel.

Déjà, lors de la « troisième période », d’heureuse mémoire, quand les stratèges de l’Humanité avaient le délire des barricades, « conquerraient » chaque jour la rue et traitaient de « social-fascistes » tous ceux qui ne partageaient pas leurs extravagances, nous prédisions : « Dès l’instant où ces gens se seront brûlé le bout des doigts, ils deviendront les pires opportunistes. » La prédiction est maintenant complètement confirmée. Au moment où, dans le parti socialiste, se renforce et grandit le mouvement en faveur de la milice, les chefs du parti qu’on appelle communiste courent prendre la lance à incendie pour refroidir les aspirations des ouvriers avancés à se former en colonnes de combat. Peut-on se figurer un travail plus néfaste et plus démoralisant ?

Développer la milice par une campagne politique dans les masses.

Dans les rangs du parti socialiste, il arrive que l’on entende parfois cette objection : « Il faut faire la milice, mais il n’est pas besoin d’en parler tout haut. » On ne peut que féliciter les camarades qui ont le souci de soustraire les aspects pratiques de l’affaire aux yeux et aux oreilles importuns. Mais il est trop naïf de penser qu’on puisse créer la milice secrètement, entre quatre murs. Il nous faut des dizaines et ensuite des centaines de milliers de combattants. Ils ne viendront que si des millions d’ouvriers et d’ouvrières et, derrière eux, les paysans aussi, comprennent les nécessités de la milice et créent, autour des volontaires, une atmosphère de sympathie ardente et de soutien actif. La clandestinité peut et doit concerner uniquement le côté technique de l’affaire. Quant à la campagne politique, elle doit se développer ouvertement, dans les réunions, dans les usines, dans les rues et sur les places publiques.

Grouper les ouvriers de toutes tendances sur le lieu de travail.

Les cadres fondamentaux de la milice doivent être des ouvriers d’usine, groupés suivant le lieu de travail, se connaissant l’un l’autre et pouvant protéger leurs détachements de combat contre les provocations des agents de l’ennemi beaucoup plus facilement et beaucoup plus sûrement que les bureaucrates les plus élevés. Des états-majors clandestins sans mobilisation officielle des masses resteront au moment du danger comme suspendus en l’air. Il faut que toutes les organisations ouvrières se mettent à l’œuvre. Dans cette question, il ne peut y avoir de frontière entre les partis ouvriers et les syndicats. La main dans la main, ils doivent mobiliser ensemble les masses. Le succès de la milice du peuple sera alors pleinement assuré.

Où les ouvriers trouveront-ils des armes ?

« Mais où donc les ouvriers vont-ils prendre des armes ? » objectent les solides « réalistes », c’est-à-dire les philistins effrayés.

« C’est que l’ennemi de classe a des fusils, des canons, des tanks, des gaz, des avions. Les ouvriers n’ont que des revolvers et des couteaux de poche. »

Cette objection rassemble tout, pêle-mêle, pour effrayer les ouvriers. D’un côté, nos sages identifient l’armement des fascistes à l’armement de l’État ; de l’autre, ils se tournent vers l’État en lui demandant de désarmer les fascistes. Remarquable logique ! En fait, leur position est fausse dans les deux cas. En France, les fascistes sont encore loin de s’être emparé de l’État. Le 6 février, ils sont entrés en conflit armé avec sa police. C’est pourquoi il est faux de parler de canons et de tanks quand il s’agit de lutte armée contre les fascistes dans l’immédiat. Les fascistes, bien entendu, sont plus riches que nous, il leur est plus facile d’acheter des armes. Mais les ouvriers sont plus nombreux, plus décidés, plus dévoués, du moins quand ils sentent une ferme direction révolutionnaire. Entre autres sources, les ouvriers peuvent s’armer aux dépens des fascistes, en les désarmant systématiquement. C’est maintenant une des plus sérieuses formes de lutte contre le fascisme.

Quand les arsenaux ouvriers commenceront à se remplir aux dépens des dépôts fascistes, les banques et les trusts mettront plus de prudence à financer l’armement de leurs gardes assassins. On peut même admettre que dans ce cas — mais dans ce cas seulement — les autorités alarmées pourront commencer à contrecarrer réellement l’armement des fascistes pour éviter l’accroissement de l’arsenal des ouvriers. On sait depuis longtemps que seule une tactique révolutionnaire engendre, comme résultat accessoire, des « réformes » ou des concessions du gouvernement.

Mais comment donc désarmer les fascistes ? Il est impossible évidemment de le faire uniquement par des articles de journaux. Il faut créer des escouades de combat. Il faut créer les états-majors de la milice. II faut instituer un bon service de renseignements. Des milliers d’informateurs et d’auxiliaires bénévoles afflueront de tous côtés quand ils apprendront que l’affaire est sérieusement engagée par nous. Il faut une volonté d’action prolétarienne*.

Les organisations ouvrières doivent mobiliser tous leurs moyens pour créer la milice.

Mais les armements fascistes ne sont pas, bien entendu, l’unique source. En France, il y a plus d’un million d’ouvriers organisés. De manière générale, c’est peu. Mais c’est pleinement suffisant pour établir un commencement de milice du peuple. Si les partis et les syndicats armaient seulement le dixième de leurs membres, cela ferait déjà une milice de 100 000 hommes. Il n’y a aucun doute que le nombre des volontaires, le lendemain de l’appel du Front unique pour la milice, dépasserait de loin ce nombre. Les contributions des partis et des syndicats, les collectes et les souscriptions volontaires donneraient la possibilité, dans l’intervalle d’un mois ou deux, d’assurer des armes à 100 ou 200 000 combattants ouvriers. La racaille fasciste mettrait immédiatement la queue entre les jambes. Toute la perspective du moment deviendrait incomparablement plus favorable.

Contre le conservatisme passif des bureaucraties.

Invoquer l’absence d’armements ou d’autres causes objectives pour expliquer pourquoi jusqu’à maintenant on ne s’est pas mis à la création de la milice, c’est tromper et soi-même et les autres. Le principal, pour ne pas dire le seul obstacle, a sa racine dans le caractère conservateur et passif des dirigeants des organisations ouvrières. Les sceptiques que sont les chefs ne croient pas en la force du prolétariat. Ils mettent leur espoir en toute sorte de miracles d’en haut au lieu de donner une issue révolutionnaire à l’énergie d’en bas. Les ouvriers socialistes doivent forcer leurs chefs, soit à passer immédiatement à la création de la milice du peuple, soit à céder la place à des forces plus jeunes et plus fraîches.

(Domène, fin octobre 1934.)

  • * Dans l’Humanité du 30 octobre, Vaillant-Couturier montre très bien qu’il est absurde d’exiger du gouvernement le désarmement des fascistes et que seul un mouvement de masses peut les désarmer. Puisqu’il s’agît, évidemment, d’un désarmement non pas « idéologique », mais physique, nous voulons espérer que l’Humanité reconnaîtra maintenant la nécessité de la milice ouvrière. Nous sommes prêts à saluer sincèrement tout pas des staliniens dans la voie juste. … Mais, hélas ! dès le 1er novembre, Vaillant-Couturier fait en arrière un pas décisif : le désarmement des fascistes ne se fera pas par le Front unique, mais par la police de Doumergue « sous la pression et le contrôle» « du Front unique ». Fameuse idée : sans révolution, pat la seule pression « idéologique », changer la police en organe exécutif du prolétariat ! A quoi bon conquérir le pouvoir quand on peut obtenir les mêmes résultats par la voie pacifique! « Sous la pression et le contrôle » du Front unique, Germain-Martin va nationaliser les banques et Marchandeau mettre à la Santé les conspirateurs réactionnaires, en commençant par son collègue Tardieu. L’idée de la « pression » et du « contrôle » substitués à la lutte révolutionnaire n’a pas été inventée par Vaillant-Couturier, il l’a empruntée à Otto Bauer, à Hilferding et au menchevik Dan. Le but de cette idée est de détourner les ouvriers de la lutte révolutionnaire. En fait, il est cent fois plus facile d’écraser les fascistes de sa propre main que par les mains d’une police hostile. Et quand le Front unique deviendra suffisamment puissant pour « contrôler » l’appareil de l’État — c’est-à-dire après la prise du pouvoir, et non avant —, il chassera simplement la police bourgeoise et mettra à sa place la milice ouvrière.

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